✄ Dioramaps, Columbo au Japon, machines à écrire, inquiétant monolithe, Famille Addams... ✄
COUPÉ AU MONTAGE #16
Bonsoir tout le monde.
Cette semaine il y a comme une sorte de flottement général, vous ne trouvez pas ?
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À propos de bâtiments aveugles, j'ai manqué de place la dernière fois pour mentionner l'AT&T Long Lines Building, un gratte-ciel new-yorkais de 168 mètres de haut et dépourvu de fenêtres (les ouvertures qu'on peut voir aux 10e et 29e étages sont des aérations).
Construit entre 1969 et 1974, ce bâtiment a été conçu pour accueillir d'importants équipements de télécommunication et résister à une frappe nucléaire. Et d'après cette longue enquête de The Intercept, il s'agit aussi, désormais, d'un site de la NSA :
L'immeuble du 33 Thomas Street abrite une importante "passerelle" internationale, d'après un ancien ingénieur d'AT&T, qui achemine les appels téléphoniques entre les États-Unis et le reste du monde. Une série de notes top-secrètes de la NSA laissent penser que l'agence intercepte ces appels depuis une installation sécurisée située à l'intérieur du bâtiment AT&T. Ce gratte-ciel semble être un site essentiel utilisé par un programme controversé de la NSA, qui a ciblé les communications des Nations unies, du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale, et d'au moins 38 pays, dont de proches alliés des États-Unis tels que l'Allemagne, le Japon et la France.
[TITANPOINTE, The NSA’s Spy Hub in New York, Hidden in Plain Sight]
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Le premier film de La Famille Addams est sorti il y a 30 ans, et c’est à l’occasion de cet anniversaire que j’ai enfin eu l'explication d'un gag visuel qui m'avait beaucoup tourmenté quand j'ai vu le film, à 9 ans :
Le réalisateur, Barry Sonnenfeld, l’a évoqué en passant dans une interview donnée à The AV Club :
Mon inspiration première était toujours les dessins de Charles Addams. Et il y a des images que j'ai prises directement dans son oeuvre, pour les transformer en séquences animées. Par exemple, il y a un dessin de Charles Addams où on voit quelqu'un jouer avec un train électrique, et un passager qui regarde par la fenêtre du train et voit l'homme qui joue avec les commandes du train électrique. J'ai volé cette idée et je l'ai reproduite exactement. Et c'est même moi, le gars dans le train !
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J'ai bien aimé cette petite vidéo de Polygon qui tente d'établir la filiation entre Columbo et la série de jeux vidéo Ace Attorney / Phoenix Wright (par le biais de Sherlock Holmes et Edogawa Ranpo, évidemment) :
Je suis obligé de mentionner ici une de mes séries favorites, Furuhata Ninzaburo, qui est exactement "Columbo mais au Japon" (j'en avais parlé ici, il y a quelques années), et Tôkyô Megure Keishi, une adaptation japonaise de Maigret, où les aventures du placide commissaire sont transposées dans le Japon des années 70 — ça je n'ai jamais vu mais m'en délecte d'avance.
Et puis il y a ce truc, dont je ne sais même pas quoi dire :
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Il y a quelques semaines, j'ai fait une loooongue traduction pour une entreprise qui fabrique du carton et du papier, et ça a nécessité de non moins loooooongues recherches de vocabulaire. C'est ainsi que je suis tombé sur cette page, avec des dessins splendides qui présentent le fonctionnement d'une usine de papier.
J'y ai repensé en regardant avec mon fils un très bon documentaire d'Arte intitulé L'Odyssée de l'écriture, qui consacre une bonne partie du deuxième épisode à la question du papier. J’ignorais totalement comment le secret de la fabrication du papier était passé de la Chine au monde islamique, et en quoi ça a contibué à la fulgurance intellectuelle du califat abbasside (de même que l’invention des caractères mobiles et leur adéquation avec les caractères latin expliquent la modernité européenne).
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Une œuvre qui m'a plu :
J'ai assemblé sur plusieurs toiles tous les fragments que j'avais collectés, afin de reconstruire mes souvenirs, pour me permettre de mettre en images les spécificités de chaque ville et l'aspect du "présent" dont ces villes m'avaient donné un aperçu. [...] C'est ainsi que je tente d'exprimer l'apparence des villes en intégrant mes expériences et souvenirs personnels. Le résultat n'est pas une carte qui donne des informations précises, mais un enregistrement de la façon dont moi, un être humain, j'ai traversé ces rues et je les ai regardées
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Une œuvre qui m’inquiète :
Selective Memories est une œuvre participative en ligne appartenant à un triptyque qui dresse des parallèles entre la construction d'une archive et la construction de la vérité, afin de mettre en question, en creux, la construction des fausses informations.
L'œuvre présente des textes aux participants et leur propose de choisir s'il mérite d'être archivé ou d'être détruit. Ces textes ont la particularité d'être soit de véritables documents d'archive, soit des textes fictifs générés automatiquement par une intelligence artificielle.
L’idée c’est de présenter ces documents hors de tout contexte, “comme sur les réseaux sociaux”, pour parler de la perte de points de référence dans notre société moderne.
Il m'est arrivé d'écrire de la fiction qui n’est pas signalée comme fiction, avec l’espoir de faire naître un rapport particulier au texte, et d’obliger mes lecteurs à se demander à quel point de caricature d’elle-même la réalité en est déjà, exactement. Mais si on peut présumer que la plupart des gens ont déjà lu de la fiction et des textes qui n'en sont pas, la population qualifiée pour déterminer la valeur historique et la véracité d'un document d'archive est nettement plus restreinte.
Il me semble malhonnête et injuste de mettre les participants face à un problème hors de leur portée, tout ça pour dire en substance que la réalité est soudain devenue inconnaissable à cause de ces satanés réseaux sociaux (encore un coup de la modernité ! Maudits algorithmes !).
[Et puis surtout, ce n'est pas comme si avant les archives étaient des étalons inviolables de vérité historique, et que soudain la Machine avait créé une grande confusion. N'importe quel historien ou archiviste vous dira qu'on est sans cesse confronté à des archives perdues, détruites, lacunaires, falsifiées, et qu'il faut bien travailler quand même.]
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À propos de Calvin & Hobbes, je vous relaie ces strips apocryphes, envoyés par un aimable lecteur qui se reconnaîtra :
Je ne connaissais que le premier, qui m'avait brisé le coeur ; je dors plus tranquille depuis que j'ai lu le second.
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J’ai enfin vu Dune et je suis partagé. Formellement c'est splendide, tout est d'un goût excellent, on évite le côté "déclamation des répliques du livre" qui pourrit toutes les adaptations depuis Harry Potter / Le Seigneur des Anneaux, et pourtant j'ai eu de la peine à me prendre réellement de passion pour les aventures de Paul Atréides, qui m'avait pourtant fascinées quand je les avais lues.
Je ne suis pas d'accord avec tout mais j'ai trouvé de bons éléments de réponse dans ces morceaux choisis de critiques américaines du film : The Current Debate: The Style and Substance of Villeneuve’s "Dune"
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Pour finir, au chapitre jamais clos des instruments d’écriture :
KoboWriter, un hack assez simple (à utiliser, hein, à coder je me doute que c’était pas évident) pour transformer une vieille liseuse en machine à écrire
Cold Turkey Writer, “sans doute l’éditeur de texte le plus têtu jamais créé”, qui refuse de se fermer tant qu’on n’a pas écrit pendant un certain temps ou produit une certaine quantité de texte. Ca remplacera avantageusement FlowState, que j’adore mais qui marche de plus en plus mal, faute d’avoir été mis à jour.
Et enfin le Lisperati 1000, un petit ordinateur à faire soi-même avec un clavier 40%, un écran ultra large, et boîtier imprimé en 3D (trigger warning : projet monté par andouille libertarienne).
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Et ce sera tout pour cette fois. Portez-vous bien, on se retrouve dans deux semaines pour ABSOLUMENT TOUT (et pitié mettez vos masques, la perspective de retrouver le rayon d'un kilomètre et/ou le couvre-feu à 18h me désespère d'avance).
M.